Interview à la Charabiole : c’est quoi un pair-aidant ?

Pendant 8 mois, j’ai eu le grand plaisir d’être pair-aidant au club psycho-social la Charabiole à Namur. Nathalie, Pascal et Géry proposent tous les trois mois le « journal des petits papiers » qui proposent de nombreuses contributions sur la vie du club, ses activités mais aussi des textes, des poèmes ou autres contributions artistiques.

J’ai eu le plaisir d’être interviewé par l’équipe pour le journal qui vient de paraître. Voilà l’article que l’équipe de rédaction en a tiré.

Merci pour cette belle opportunité de parler de pair-aidance et @bientôt !

Interview du 19 mars de M. Stéphane Waha : pair-aidant à la Charabiole.

Questions posées à Stéphane Waha pour l’interview par Natalie, Géry et Pascal :

1) En tant que pair-aidant dans quelle mesure pensez-vous avoir aidé les usagers de la Charabiole ?

2) Quelle est l’expérience que vous en avez retirée ?

3) Stéphane est-ce que cela te dérange que l’on parle de bipolarité ?

4) Pensez-vous que la bipolarité puisse disparaître ou être atténuée chez une personne bipolaire ?

5) L’art n’est-il pas un exutoire pour une personne bipolaire ?

6) Pensez-vous qu’un pair-aidant soit toujours nécessaire à un club psychosocial ?

7) Quels étaient vos objectifs en venant à la Charabiole ?

8) Stéphane, peux tu en premier nous donner une définition du pair-aidant ?

9) Comment as-tu appris l’existence des pair-aidants ?

10) Où et quand as-tu fait ta formation ?

11) Y-a-t-il un événement qui t’a fait penser à la paire aidance ? C’est quoi qui t’a amené à le devenir plus précisément ?

12) Tu vas nous quitter dans une semaine, que retiens-tu de la Charabiole, son équipe, ses membres ?

13) Peux-tu expliquer à nos membres pourquoi tu nous quittes, et je crois savoir que c’est une bonne nouvelle pour toi.


Un pair-aidant est quelqu’un qui vit encore avec une personne qui a eu un soucis de santé mentale . ( bipolarité)

Un aidant utilisera ses connaissances de la pathologie et établira des stratégies pour se rétablir .

Guérir n’es pas rétablir, il faut apprendre à vivre avec sa pathologie .

Stéphane a réussi à reprendre les rennes de sa vie ce qui lui a permis de faire de beaux projets .

Être pair-aidant est quelque chose de positif simplement en étant a la Charabiole, il est porteur d’espoir et son trajet peut servir d’exemple pour guérir les autres .

Il n’est pas là pour soigner mais pour aider les personnes à aller mieux .

Moi je trouve que les membres ont rapidement compris pourquoi j’étais là et ce que j’essayais de faire. Et je n’ai pas dû expliquer longtemps en tout cas pour que ce soit compris. Et ça je trouve ça vraiment super et je me suis senti dans mon rôle de pair-aidant et vraiment bien accueilli. Et ça a bien marché dès le début, parce que cela me permettait de parler avec chacun individuellement, et ce qui est le cas dans les groupes comme « psycho-éducation, la voix des usagers ». Et donc ce que je retire, c’est une grande fierté de pouvoir être reconnu comme pair-aidant et d’en parler, et d’entendre ce que je partage de mon rétablissement, de ma connaissance de ma pathologie comme lors de la psycho-éducation. Ca peut aider d’autres comme ça c’est super comme expérience et aussi avec l’équipe, parce que voilà, je suis vraiment considéré comme membre de l’équipe à part entière.

Comme ce matin, j’ai pu apporter mon point de vue à l’équipe. On a discuté avec deux ou trois membres de l’équipe de la dépression. Comment est-ce que l’on peut aider ou essayer d’aider quelqu’un qui est en dépression. Et donc, là, moi j’ai expliqué comment cela s’est passé lorsque j’étais vraiment dépressif et ce qui m’ aidé.

Ils comprennent que je peux apporter quelque chose, en plus à leurs connaissances, qui sont plutôt des connaissances qu’ils ont tirées de leurs études et de leurs pratiques professionnelles.


Pour répondre à une autre question, qu’est-ce qui m’a amené à espérer dans un sens et pourquoi ai-je voulu être pair aidant.

Donc, moi la bipolarité je l’ai déclarée à 40 ans et j’ai été vraiment complètement perdu parce que je ne savais pas ce qui m’arrivait. Et le premier psychiatre, ne m’a pas du tout expliqué ce qu’était la bipolarité.

En fait j’étais très mal à ce moment là, il m’a donné des médicaments, il m’a laissé repartir ainsi et donc j’ai pas très bien compris. Les médicaments ont mis quand même du temps avant d’être efficaces. Et ce qui a été à ce moment là un support, c’est que j’ai participé aux groupes de paroles du « Funambule » : c’est une association qui organise des groupes de paroles pour les personnes bipolaires et pour les proches. Et cela m’a beaucoup apporté parce qu’il y avait d’autres personnes qui vivaient la même chose. Et moi, j’ai pu être aidé. J’ai commencé à partager de manière plus positive dans ces groupes de paroles, et c’est ce qui m’a amené à considérer la bipolarité plus comme un outil, une force plutôt que quelque chose contre laquelle je dois me battre. Et c’est ce qui m’a donné l’idée de la pair-aidance, et alors j’ai entendu parler de la formation à l’université de Mons. C’était en 2018.

Donc j’étais déjà plus loin dans mon rétablissement, mais j’étais pas encore totalement stabilisé comme aujourd’hui, il y avait encore de grosses fatigues, des difficultés de concentrations.


Et là, la formation a vraiment été super comme expérience.

Parce que c’était chouette de commencer à comprendre le concept de pair-aidance et le groupe d’étudiants était vraiment bien. L’intérêt aussi de la formation, il y des personnes qui ont un parcours en santé mentale, d’autres connaissent des addictions, et d’autres plutôt la précarité donc l’exclusion sociale, la vie en rue. Et cela c’était vraiment riche parce que l’on échangeait nos points de vue, chacun amenant son expérience. Par exemple, moi je pense que je n’aurais jamais spontanément pris contact avec des personnes étant des toxicomanes. Là j’ai eu l’occasion de les rencontrer, d’entendre leurs histoires, et de voir comment ils avaient progressé.

Ce ne sont pas des cours universitaires, mais on nous apprend à être pair-aidant dans des cours. Ce sont plutôt des thèmes sur lesquels on réfléchit ensemble avec l’aide généralement d’intervenants extérieurs. Je pense que c’est important de mettre cela en avant. Ce n’est pas un niveau universitaire, c’est accessible à beaucoup de monde.

Ce sont des cours obligatoires, il faut faire un stage de minimum 40 heures. J’ai fait ce stage à Dave ST-Martin dans un centre d’activités thérapeutiques ouvert aux personnes hospitalisées mais aussi pour des personnes extérieures qui sont en hospitalisation de jour par exemple.


Je voulais vraiment expérimenter la pair-aidance dans leurs activités. M’étant tellement plu lors de mes quarante heures de stage, que j’y suis resté huit mois au final.

Cela m’a vraiment permis d’expérimenter la pair-aidance, avec les personnes qui viennent au centre et avec l’équipe, et cela s’est confirmé que c’est ce chemin que j’avais envie de prendre.

Je vais vous expliquer pour quelle raison je pars et je vous expliquerai comment je me sens par rapport à mon départ par après.

On s’est rendu compte que dans les équipes qui n’ont pas réfléchi à l’arrivée d’un pair-aidant, cela pouvait causer des problèmes. Et que certaines expériences ne se sont pas bien passées. Et que dans les équipes l’arrivée d’un pair-aidant pouvait amener des craintes, et une mauvaise compréhension de ce que c’est un pair-aidant.

On a monté un projet avec d’autres pair-aidants pour former des équipes au rétablissement et à la pair-aidance pour les accompagner dans la réflexion pour intégrer des pair-aidants.

Et ce projet là a démarré à Bruxelles. J’ai été engagé à mi-temps dans ce projet là en tant que pair-aidant.


On a fait la formation, on a réfléchi aux outils, maintenant nous avons sept équipes qui sont accompagnées.

D’autres équipes sont venues vers nous, nous demandant comment réfléchir avec nous afin de se préparer au mieux pour aussi accueillir des pair-aidants.

Depuis septembre 2020, c’est mon travail et l’on avait également proposé à la Région Wallonne et cela a été accepté, et donc je vais faire la même chose en Wallonie.

Donc former et accompagner des équipes qui souhaitent intégrer des pair-aidants. De cette façon je passe à temps plein, et je ne sais plus continuer les activités à la Charabiole, et c’est une bonne nouvelle parce que cela faisait presque 6 ans que je n’avais plus travaillé. Et pour moi, c’est vraiment un objectif de pouvoir travailler et bénéficier d’un salaire.

Et pour moi c’est gratifiant de le faire dans la pair-aidance, et je suis très, très triste de ne pas trouver de solution pour pouvoir rester à la Charabiole.

En plus, avoir trois environnements de travail : Bruxelles, Wallonie et Charabiole, sera trop pour moi. Je le sens déjà maintenant où je travaille déjà un petit peu pour la Wallonie et Bruxelles. Voilà, donc pourquoi je pars, et je suis très enthousiaste de faire ce métier là, même si cela prend beaucoup de temps dans ma vie. Ce qui fait que je suis très, très triste de quitter la Charabiole, parce que je m’y sens bien.

J’ai des retours positifs de l’équipe et aussi des membres de la charabiole sur ce que j’essaie de faire.

Mon nouveau métier c’est plutôt de travailler avec les équipes, mais je ne désespère pas de trouver un moment pour revenir à la Charabiole, pour dire bonjour et peut-être des activités de réflexion sur la pair-aidance sous d’autres formes.

Et si je récupère du temps à un moment donné, je reconsidérerais de nouveau le fait de revenir à la charabiole, mais pas à temps plein, mais comme je fais pour l’instant un jour par semaine. Voilà Natalie, un peu l’état d’esprit dans lequel je suis, la semaine passée à la voix des usagers et en psycho-éducation j’ai annoncé que j’allais partir, cela a été dur pour moi de le faire, je sentais bien qu’il y avait une petite larme qui arrive tout en l’expliquant.


Parce que moi je trouve que je vis quelque chose de fantastique.

Pascal demande à Stéphane si la bipolarité peut disparaître ou être atténuée chez une personne qui en est atteinte. Stéphane répond : oui, moi je le pense, il y a déjà la médication quand elle est bien adaptée. En ce qui me concerne, on va dire que je suis suffisamment stabilisé depuis le début et un peu avant ma formation (2017-2018). Et je pense que je devrai prendre cette médication malheureusement toute ma vie, mais cela m’aide à me stabiliser. Maintenant je vois un peu quand je commence à être trop hyperactif, et que cela va un peu vers le haut, je dois éviter les projets qui me stimulent trop et donc je sais comment réagir à ce moment-là.

Et donc c’est cela aussi le rétablissement, parfois je rencontre encore des inconvénients de la bipolarité, comme la concentration, cela reste difficile, le soir bien souvent je suis fatigué, et cela ne me permet plus de lire autant parce que je suis moins concentré le soir.

On peut être stabilisé, trouver la manière de gérer, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus rien du tout comme inconvénient.

Moi je ne parle pas forcément d’auto-guérison mais d’autogestion, c’est gérer et développer les outils de réflexion me permettant de me stabiliser.

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